Cette période particulière pendant laquelle on nous met en garde contre la croissance exponentielle du COVID-19 vient confirmer un biais de l’être humain : nous avons tendance à raisonner linéairement, et éprouvons beaucoup de difficultés à nous représenter une fonction exponentielle.
Je me souviens le jour où mon père m’a fait prendre conscience de ce biais ; il m’a raconté cette histoire.
Elle se passe – c’est un hasard – dans la Chine des empereurs Ming. Un jour, un chevalier va trouver l’empereur pour lui demander la main d’une de ses filles. L’empereur, qui souhaite au préalable évaluer à la fois le courage et la sagesse du prétendant, lui répond ceci : « C’est d’accord, à une condition. Je vais te donner le choix de deux épreuves. Si tu réussis celle que tu auras choisie, je te donnerai la main de ma fille. »
Le chevalier écoute attentivement l’empereur : » Soit, tu graviras seul la plus haute montage de l’empire et y planteras un drapeau en mon honneur ; ou alors, tu prendras un échiquier sur lequel tu placeras un grain de riz sur la première case, deux sur la suivante, quatre sur la troisième, et ainsi de suite en doublant à chaque fois le nombre de grains de riz d’une case à la suivante, jusqu’à la dernière.«
Le chevalier n’hésite pas une seconde. Il n’a aucune envie de partir en voyage pendant des mois voire des années sans sa belle. Il choisit l’épreuve de l’échiquier qui est clairement beaucoup plus facile.
Auriez-vous raisonné de la même manière? Dans ce cas, vous auriez été, tout comme le chevalier, victime du biais de croissance exponentielle. En effet, rien de pour la 64ème case, il vous faudra 1+2^63 grains de riz, soit 9,2234e18 grains de riz, soit environ 369 milliards de tonnes de riz ! Cela nécessitera que le chevalier vide tous les greniers à riz de l’empire pendant plusieurs vies. Il n’est pas prêt de revoir sa dulcinée…