Fatigue et performance

Il est un sujet qui revient régulièrement dans plusieurs industries : celle de la fatigue et de son impact sur la performance des individus. Dans le domaine de l’aviation civile, les règles sont très strictes. La durée des périodes d’activité est limitée, et la période de repos qui suit est fonction de la pénibilité de l’activité précédente. Et un pilote qui transgresse ces règles risque un retrait de licence.

Pourquoi ces règles intransigeantes ? Sont-elles fondées ? Notre performance est-elle réellement affectée par la fatigue ?

La plupart d’entre nous ont besoin de huit heures de sommeil afin de récupérer des facultés cognitives optimales le lendemain matin. Au fur et à mesure que notre période d’éveil s’écoule, nos capacités cognitives diminuent et le poids du sommeil augmente. Une étude réalisée par une équipe de psychologues australiens [1] a montré que nos performances cognitives et motrices après 17 heures de veille sont celles de quelqu’un qui aurait un taux d’alcool sanguin de 0,05 %. Après 24 heures de veille, le taux d’alcool sanguin équivalent est de 0,1 %. Pour rappel, dans la plupart des pays européens, la limite légale autorisée du taux d’alcoolémie pour conduire un véhicule est de 0,05 %.

17 heures de veille / 0,05 %
• Comportement excessif
• Perte possible de contrôle des petits muscles (exemple : difficulté à fixer le regard)
• Affaiblissement du jugement
• Vigilance réduite
• Levée des inhibitions

24 heures de veille / 0,1 %
• Détérioration marquée du temps de réaction et de contrôle
• Empâtement de la parole
• Manque de coordination
• Diminution de la capacité de réfléchir

Une autre étude [2] menée par une équipe du service de neuropsychiatrie de l’U.S. Army en 2003, a réparti 66 sujets en 4 groupes, autorisés à dormir respectivement 9, 7, 5 et 3 heures par période de 24 heures pendant 7 jours. Chaque jour, les participants étaient soumis à des tests permettant de mesurer leurs performances cognitives, en termes de vitesse de réflexion et de nombre d’erreurs commises.

Les résultats ont clairement montré que seul le groupe autorisé à dormir 9 heures par nuit a réussi à maintenir un niveau de performance constant. Dans les autres groupes, plus la durée du sommeil était restreinte, plus les performances se dégradaient rapidement. Cette étude a également montré qu’après un épisode de privation de sommeil, la récupération d’un niveau de performance normal nécessite plusieurs nuits complètes de sommeil.

Au vu des résultats mentionnés ci-dessus, dans votre environnement professionnel, les périodes de travail sont-elles excessivement longues ? Pour quelle raison ? Culturelle ? Pression externe ? Pression interne ? Une chose est sûre : à force d’appeler quelqu’un « Superman », il risque de finir par croire qu’il est capable de voler.


[1] A M Williamson & Anne-Marie Feyer, Moderate sleep deprivation produces impairements in cognitive and motor performance equivalent to legally prescribed levels of alcohol intoxication, Occup Environn Med 57, pp. 649-655, 2000.
[2] Belenky et al., Patterns of performance degradation and restoration during sleep restriction and subsequent recovery: A sleep dose-response study, Journal of Sleep Research 12(1), pp. 1-12, 2003.

L’après Covid-19. Quelles responsabilités pour votre entreprise ?

Nous approchons d’un début de déconfinement. Pour la majorité d’entre nous qui avons été forcés à rester cloîtrés depuis plus d’un mois et demi, notre occupation professionnelle sera l’une des première occasions de renouer avec une « réalité » tangible.

Autour de nous, certains sont zen et traversent cette situation inédite avec recul. Mais d’autres personnes sont inquiètes, apeurées, méfiantes, perdues ou encore endeuillées. Ces personnes auront besoin de s’exprimer et d’être écoutées. Elles ne pourront pas retrouver leur potentiel tant que cette étape n’aura pas été franchie, parce que leur cerveau sera bloqué en mode limbique.
Il reviendra donc à nos entreprises de créer l’espace nécessaire à l’expression de ces émotions, étape incontournable comme préalable à la reprise progressive du travail effectif. Progressive parce que ce travail d’accompagnement risque d’être long et itératif. Et ce travail ne s’improvise pas, cela se prépare. Les discussions devront être cadrées par des collègues compétents. Les outils de débriefing constituent une bonne base de préparation.

Il reviendra à nos entreprises de créer l’espace nécessaire à l’expression de ces émotions

Ensuite, comment procéder pour redonner à chacun l’envie de faire du mieux qu’il peut ? Comment faire en sorte que nos collaborateurs soient motivés ?

Ici encore, je vous propose de faire différemment – pour la plupart des entreprises. Et si l’on se disait que c’était l’occasion de redémarrer sur d’autres bases, plus humaines, plus saines, procurant davantage de sens. De changer de paradigme, mais cette fois, pour de vrai. Fini la poudre aux yeux, la machine expresso, la salle de fitness et les séminaires trop ludiques. Cette fois, il faudra y mettre les trippes, à commencer par l’équipe dirigeante. Il faudra que celle-ci apprenne à prendre soin de ses forces vives comme de son atout le plus précieux. Il faudra que nos dirigeants, tout en continuant à gérer nos entreprises – les coûts, la qualité et le timing -, développent de réelles compétences en leadership pour intégrer l’humain dans l’équation.

Il faudra que nos dirigeants, tout en continuant à gérer nos entreprises – les coûts, la qualité et le timing -, développent de réelles compétences en leadership pour intégrer l’humain dans l’équation.

Concrètement, que mettre en place ?

Les quelques pratiques que je propose ci-dessous sont extraites de mon livre « Mieux Réussir Ensemble ». Je ne les détaillerai donc pas, je vous encourage à vous y référer.

  • Définir et publier une vision et des valeurs partagées dans toute l’entreprise, de façon à ce qu’elles soient un guide dans toutes les décisions à prendre. Si certains ne s’y reconnaissent pas, écouter leurs propos. Et si leurs idées ne sont pas compatibles avec la vision de l’entreprise, envisager de s’en séparer, car ils seront des freins probables.
  • Définir et expliquer le ou les objectifs communs de l’entreprise et donner la parole ; accueillir les critiques, les remarques et les suggestions.
  • Développer l’intelligence émotionnelle de tous les collaborateurs, à commencer par l’équipe dirigeante et les managers.
  • Développer les compétences en gestion du stress, en communication et en gestion de la charge de travail de tous les collaborateurs.
  • Avoir le courage de reconnaître ses erreurs et ses faiblesses. Arrêter de prétendre. Encourager tout un chacun à dire « Je me suis trompé« , « Je ne sais pas » ou « J’ai besoin d’aide » quand c’est le cas.
  • Responsabiliser toutes les personnes par rapport à leur travail. Eviter le micro-management et leur faire confiance. Les aider à développer leurs compétences lorsque nécessaire.
  • Mettre en place une « culture juste », impliquant le droit à l’erreur. Cela encourage à la créativité et à développer des solutions innovantes.
  • Instaurer une culture de feedback à petite et grande échelle, afin de ne pas reproduire les erreurs et de développer une culture d’apprentissage.
  • Fixer les objectifs en accord avec le ou les intéressés, et plus de manière arbitraire. Viser une progression continue plutôt qu’une deadline, arbitraire elle aussi.

Cerise sur le gâteau, l’amélioration du bien-être de vos collaborateurs, qui résultera de la mise en oeuvre de ces bonnes pratiques, aura un effet bénéfique sur la performance technique et économique de votre organisation.

Vous avez une occasion inédite de sortir de votre zone de confort, pour votre bien et celui de vos collaborateurs. Qu’en ferez-vous ?

Abolissons les salamalecs

Un gradient de hiérarchie trop marqué est un frein à la performance d’une équipe. Entre autres, il est un obstacle à une communication ouverte. En effet, les personnes les moins « gradées » éprouvent souvent beaucoup de difficultés à faire remarquer à leur collègue occupant un rang plus élevé que ce dernier fait une erreur ou qu’elles ne sont pas d’accord avec lui.

Différentes traditions sont responsables d’un gradient de hiérarchie exacerbé.

Considérons le vouvoiement. Certes, il peut être le témoignage d’un signe de respect, mais il peut également signifier l’affichage d’un sentiment d’infériorité. En général, nous vouvoyons les personnes que nous ne connaissons pas. Mais nous faisons également usage du vouvoiement lorsque la tradition nous y encourage, même vis-à-vis de personnes que nous fréquentons depuis longtemps, en signe de respect.
Dans le cadre professionnel, nous vouvoyons même certaines personnes que nous côtoyons quotidiennement au prétexte qu’elles sont notre patron, notre chef, notre directeur, etc. Et cela alors que parfois ces mêmes personnes nous tutoient.

Dans un avion, tous les membres d’équipage se tutoient – en tout cas en Occident –, même s’ils ne se sont jamais rencontrés avant. C’est le cas même lorsque la plus jeune hôtesse s’adresse au commandant de bord. Cela a pour avantage de créer une atmosphère d’ouverture et de favoriser les échanges d’informations et l’expression des doutes et des inquiétudes. La performance de l’équipe et la sécurité du vol en sont améliorées.

Par ailleurs, dans certains milieux, il est coutume d’appeler les gens par leur titre. Cela a également pour conséquence d’augmenter le gradient de hiérarchie. Docteur, Maître, Monsieur le Directeur, Monsieur le Président, tous ces titres honorifiques peuvent augmenter le sentiment d’infériorité des personnes qui les utilisent, avec des conséquences équivalentes au vouvoiement en matière d’entrave à la communication. Pour reprendre l’exemple de l’aviation, nous interpellons tous nos collègues par leur prénom, même si c’est la première fois que nous les rencontrons, quel que soit leur poste dans la compagnie, quel que soit leur poste dans une autre compagnie.

Les anglophones, réputés pour leur pragmatisme, n’ont pas à leur disposition une forme équivalente au vouvoiement dans la langue anglaise. De plus, ils ont tendance à s’appeler spontanément par leur prénom, quel que soit le rang de chacun. Étant régulièrement en contact avec des anglophones, je trouve que cela facilite grandement les échanges.

Et chez vous ?

  • L’esprit d’ouverture est-il suffisant pour permettre à tous d’oser s’exprimer ?
  • Appelez-vous vos supérieurs hiérarchiques par leur prénom ? Les tutoyez-vous ?
  • Est-ce qu’en tant que patron ou supérieur hiérarchique, vous encouragez vos collaborateurs à vous tutoyer et à vous appeler par votre prénom ?

Sécurité psychologique et performance

Il est des environnements professionnels où pullulent moqueries, injures et noms d’oiseaux. Cela peut être le fait d’une seule ou de quelques personnes ou d’une catégorie de personnel face à une autre. Plus rarement, il s’agit de la culture même de l’organisation.

En 2007, les psychologues Christine Porath et Amir Erez ont mesuré l’impact des attitudes malveillantes sur la performance des personnes visées[1].

Leur expérience consistait à inviter des volontaires à résoudre des petits tests de performance et de créativité, en leur fournissant une fausse explication quant aux finalités de l’étude. Certains participants étaient directement convoqués au lieu même où l’épreuve allait se dérouler. Les autres étaient volontairement convoqués dans un bureau où un complice les reprenait de manière abrupte et malpolie pour s’être rendus au mauvais endroit, avant de les réorienter.

Les résultats de l’étude ont montré que les participants ayant été victimes d’impolitesse avaient un niveau de performance diminué de 10 à 30 % selon les épreuves par rapport à celui des autres participants. Et ce faible niveau de performance était associé à une plus faible propension à venir en aide à autrui – d’environ 75% – et à un sentiment négatif accru – d’environ 20%.

L’expérience a été reproduite en modifiant légèrement le scénario, afin que le deuxième groupe de participants ne soit pas la cible des propos malveillants, mais seulement témoin de propos malveillants envers autrui. Et les résultats furent similaires aux précédents !

Fait vécu

Ce jour-là, le programme est chargé depuis le début de journée en salle d’opération. De plus, de nombreux problèmes de matériel surgissent les uns après les autres. Les retards s’accumulent. L’avant-dernier patient entre en salle déjà endormi. L’équipe chirurgicale participe à sa préparation sous forte pression temporelle car le chirurgien est connu pour être autoritaire ; or il a peur de manquer de temps pour l’opérer en toute sérénité.

Lorsque celui-ci demande si un dispositif spécifique est bien présent avant de commencer à inciser, l’infirmier circulant le cherche alors sans toutefois le trouver. Le chirurgien perd alors son calme et se met à hurler en salle. L’anesthésiste et son adjoint assistent pétrifiés à la scène sans oser intervenir. L’infirmier circulant retrouve finalement la boîte contenant le dispositif.

L’incision débute et le patient fait une poussée hypertensive artérielle importante accompagnée de tachycardie, signe qu’il ressent de la douleur. L’anesthésiste racontera : « À ce moment, nous réalisons que nous n’avons pas approfondi l’anesthésie (morphinique et hypnotique). Après discussion avec l’infirmière anesthésiste, nous étions stressés et mal à l’aise avec la scène de hurlement et notre « lâcheté » ou incapacité d’exprimer notre désaccord au chirurgien. »

Les suites pour le patient seront heureusement sans conséquence.


[1] C Porath and A Erez, Does Rudeness Really Matter? : The Effects of Rudeness on Task Performance and Helpfulness, Academy of Management Journal Vol. 50 No. 5, 2007.

Le stress moderne de l’Homo Sapiens

Lorsqu’un chevreuil qui broute paisiblement dans une clairière entend un bruit suspect, son système nerveux sympathique s’active et il s’enfuit dans la direction opposée au bruit. Au bout d’un certain temps, son système nerveux parasympathique prend le relais. Le chevreuil s’arrête pour brouter à nouveau. Il oublie complètement l’épisode de stress qu’il vient de vivre.

Pour nous humains, la réalité est toute différente. D’une part, la capacité d’abstraction que permet notre cortex préfrontal nous amène parfois à nous imaginer le pire, à nous faire un film alors que la réalité est tout autre. Certains expliquent ce phénomène par le fait que cela nous donne l’illusion que nous réussirons à gérer la situation et à maîtriser nos émotions si le pire venait effectivement à se produire[1]. Mais toutes les personnes qui ont vécu un épisode dramatique au cours de leur vie disent que rien n’aurait pu les y préparer, même de l’avoir envisagé et répété avant.

D’autre part, dans notre monde actuel, tout doit aller vite ;  il faut faire toujours plus avec toujours moins. Nous vivons dans un monde de manque permanent. Pour paraphraser l’activiste Lynne Twist : « Nous nous réveillons le matin avec l’idée que nous n’avons pas assez dormi, et nous nous endormons le soir avec l’idée que nous n’avons pas assez accompli pendant la journée. Une grande partie de ce que nous vivons entre les deux est dictée par les sentiments de manque et de pénurie. »[2]

À moins de vivre dans une zone de conflit, d’être confrontés à une catastrophe naturelle ou poursuivis par un animal enragé, les épisodes de stress que nous subissons sont majoritairement d’ordre psychologique. De nos jours, notre intégrité physique est rarement directement menacée, particulièrement sur notre lieu de travail. Malgré cela, il nous arrive de ressentir les symptômes de l’activation du système nerveux sympathique, parce que les phénomènes physiologiques en cause restent les mêmes.

Les émotions à l’origine du stress sont variées. Il peut s’agir de peur, de colère, de frustration, de découragement, de contrariété, d‘impatience ou même d’excitation. Cette liste n’est pas exhaustive. Nous débutons tous notre journée avec un niveau de stress variable, induit par les choses de la vie.

Nous possédons également un seuil personnel de tolérance au stress, c’est-à-dire un niveau de stress que nous sommes capables d’endurer. Ce seuil de tolérance varie selon les individus. L’espace disponible entre notre niveau de stress et notre seuil de tolérance constitue la marge qui va nous permettre de faire face – de ne pas perdre les pédales – lorsque nous rencontrons une nouvelle situation inconfortable. Cette marge est capitale parce que le stress est cumulatif, et une succession d’éléments stressants finira par dépasser notre seuil de tolérance.

Si nous avons la chance de vivre un moment de notre vie exempt de toute complication, notre marge de résistance sera sans doute importante. Il faudra dans ce cas un ou plusieurs événements significatifs pour déclencher notre système nerveux sympathique.

Par contre, si nous devons gérer les émotions liées à un enfant ou un parent malade, une situation financière critique, une mauvaise ambiance de travail ou la crainte d’un licenciement, nous aurons une faible marge de tolérance au stress ; le moindre événement même mineur sera susceptible de nous faire péter les plomb. La goutte d’eau fera déborder le vase.

Le stress est cumulatif !

En ce qui concerne les comportements spécifiques sur le lieu de travail dont certains sont victimes, les stresseurs les plus courants comprennent[3] :

  • Etre l’objet de condescendance et de manque de respect
  • Etre traité injustement
  • Ne pas être reconnu et apprécié
  • Ne pas se sentir écouté ou entendu
  • Se voir imposer des objectifs irréalistes.

Dans ces situations, nous nous sentons en danger. Si nous ne parvenons pas à détecter et à bloquer la tension qui monte en nous, notre réponse correspondra à celle d’un individu se sentant menacé. Soit nous ferons preuve d’agressivité, soit nous fuirons, soit nous nous enfermerons dans l’inhibition. A l’extrême, nous serons victimes d’un burnout.

Certaines situations peuvent rapidement et inutilement dégénérer, car nos capacités de réflexions sont physiologiquement inhibées par les hormones de stress lorsque nous sommes dans cet état. Une parole ou une décision destructrice et irrationnelle que nous regretterons plus tard n’est pas exclue avec toutes les conséquences dramatiques imaginables.

Depuis la seconde guerre mondiale, les impacts du stress sur la performance sont étudiés dans le domaine militaire. Plusieurs études récentes y font état d’une performance cognitive altérée sous stress :

  • restriction du champ de perception,
  • diminution des capacités de mémorisation,
  • défaillance des mécanismes de l’attention,
  • prise de décision incertaine,
  • dégradation des capacités de résolution de problème,
  • rigidité de fonctionnement et résistance au changement[4].

Tous ces dysfonctionnements sont liés au fait que le centre exécutif de notre cerveau, le seul capable d’apporter une réponse nuancée à la situation vécue, est difficilement accessible lorsque nous sommes aux prises avec des émotions négatives. Son fonctionnement est affecté par les neurotransmetteurs qui accompagnent chaque épisode de stress. Nous devons donc trouver un moyen d’endiguer ce processus naturel afin de lui passer le relais.


[1] Brené Brown, The Power of Vulnerability : Teachings of Authenticity, Connection and Courage, Sounds True, 2013.

[2] Lynne Twist, The Soul of Money, W. W. Norton & Company, 2003.

[3] Tony Shwartz, The way we’re working isn’t working : The four forgotten needs that energize great performance, Simon & Shuster, 2010.

[4] J E Driskell & E Salas, Stress and human performance, Routledge, 2016.

Le CRM, un investissement pertinent ?

Les formations CRM coûtent beaucoup d’argent aux compagnies aériennes et la question du retour sur investissement s’est naturellement posée. Il y a bien cette citation apocryphe qui dit « Si vous pensez que la sécurité coûte cher, essayez un accident ! » Toujours est-il qu’aucune étude n’a réussi à établir de chiffres à ce sujet.

Toutefois, une première observation s’impose : tandis que le nombre de vols est en constante augmentation, le nombre d’accidents d’avions de transport public a nettement diminué au fil des années :

  • entre 2012 et 2016, le risque de décès à bord d’un avion de transport de passagers était en moyenne de 0,24 par million de vols ;
  • en 2017, le risque de décès à bord d’un avion de transport de passagers était de 0,09 par million de vols.

En d’autres termes, une personne devrait prendre l’avion tous les jours pendant 6033 ans avant de subir un accident dans lequel au moins un passager serait tué[1].

Les données compilées pour réaliser le graphe proviennent de la base de données de l’Aviation Safety Network – https://aviation-safety.net

A l’évidence, les avions sont devenus plus fiables avec le temps, les équipages mieux entraînés – notamment grâce à des simulateurs de vol de plus en plus réalistes – et les phénomènes météorologiques mieux compris et anticipés que dans les années 70.

Il n’empêche que les formations CRM ont grandement contribué à l’amélioration du niveau de sécurité de l’aviation civile. D’autre part, plusieurs études ont établi les éléments suivants[2] :

  • une grande majorité de membres d’équipage trouve que les formations CRM et les scénarios sur simulateur inspirés de la vie réelle – appelés « LOFT » pour Line Oriented Flight Training – sont très efficaces (étude menée en 1991 auprès de 28.000 membres d’équipage).
  • les formations CRM et les scénarios de type LOFT induisent des changements positifs mesurables dans les comportements des participants (1984).
  • l’implication de la direction des compagnies aériennes, des examinateurs et des instructeurs, joue un rôle décisif dans l’évolution des comportements (1987).
  • sans formation continue, l’impact des formations CRM s’étiole avec le temps (1991).
  • une petite proportion de participants rejette les formations CRM (1989).

[1] IATA, Communiqué N° 8 : L’IATA publie ses statistiques sur la sécurité en 2017, 22 février 2018.

[2] R Helmreich & H C Foushee, Why CRM? Empirical and Theoretical Bases of Human Factors Training, Crew Resource Management, pp. 34-38, Elsevier Inc., 2010.

4ème de couverture

Dans les années 70, les crashes d’avions se succèdent tellement que les compagnies font face à une crise majeure. Une étude de la NASA révèle alors l’incapacité des pilotes à collaborer en équipe. Face à ce constat, le Crew Resource Management (CRM) est développé pour apprendre au personnel navigant à mieux fonctionner ensemble. Et les résultats suivent tout de suite, rendant ainsi les formations au CRM obligatoires.

Dans de nombreux secteurs d’activité autres que l’aviation civile (médical, énergie, etc.), les pertes liées à une communication inefficace ou à un leadership inapproprié se chiffrent aussi en vies humaines. Toutefois, quelle que soit l’entreprise et même s’ils sont moins flagrants, de tels dysfonctionnements demeurent tout aussi pernicieux : perte de la performance, dégradation du bien-être, burnout… ; et in fine très coûteux.

De la performance individuelle (gestion du stress, de la fatigue, de l’attention…) à la performance collective (communication, travail en équipe, prise de décision…), cet ouvrage fourmillant d’exemples vous fait découvrir les bonnes pratiques de CRM des pilotes de lignes en les étendant à toutes les professions, donc la vôtre. Vous et votre groupe y gagnerez en capacité à rebondir dans l’adversité et à continuer d’avancer.