Les équipes les plus performantes commettent-elles moins d’erreurs ?

Il y a quelques années, Amy Edmondson, professeur de leadership et management (oui, les 2 !) à l’université de Harvard se pose cette question : « Est-ce que les équipes reconnues pour leurs process efficaces, pour la qualité des relations entre collaborateurs et pour leur leadership commettent moins d’erreurs dans l’administration de médicaments que les autres équipes ? »

Cette hypothèse semblait plus que plausible. Il restait à la vérifier.

Amy Edmondson se rappelle avoir été initialement très surprise par le résultat de ses recherches : le taux d’erreurs des équipes les plus performantes était très supérieur au taux d’erreurs des équipes moins performantes.

Une explication émergea rapidement. Dans cette étude, les seules erreurs connues étaient les erreurs qui avaient été rapportées par les équipes [1]. Cela lui permit de reformuler son postulat initial :

« Les équipes reconnues pour leurs process efficaces, pour la qualité des relations entre collaborateurs et pour leur leadership rapportent davantage les erreurs médicamenteuses qu’elles commettent. Il en résulte une évolution permanente des pratiques visant à améliorer les process, et cela a un impact positif sur la performance et sur la sécurité des soins. »

Une question suit naturellement : « Quels sont les éléments qui encouragent ces équipent à partager davantage leurs erreurs que les autres ? »

Un élément essentiel apparaît de manière évidente : la qualité du leadership. Dans ces équipes, les responsables sont des leaders inclusifs [2] :

  • Ils sont accessibles ;
  • Ils reconnaissent leurs limites et leurs faiblesses ;
  • Ils invitent ouvertement leurs collaborateurs à formuler propositions et remarques.

Il résulte de ces qualités une plus grande sécurité psychologique [3] au sein de ces équipes. Ces leaders réduisent le coût psychologique de déclarer un incident et augmentent le coût psychologique du silence.

Par opposition, voici quelques verbatims de soignants exerçant au sein d’équipes moins performantes :

« Elle vous traite comme un coupable lorsque vous commettez une erreur… J’ai été appelé dans son bureau et elle m’a parlé comme si j’étais un enfant de 2 ans. »

« Il vous administre le « traitement du silence ». »

« Vous passez devant un tribunal… »

« Les gens sont blâmés pour leurs erreur. Vous ne voulez pas être celui qui l’a commise. »

Et chez vous ? Dans votre équipe, service ou organisation, quel est le traitement réservé aux erreurs ? Sont-elles considérées comme des opportunités d’apprendre, ou est-ce que la première erreur est de commettre une erreur ? Dans ce cas, quel est l’impact de ce fonctionnement sur votre bien-être, sur votre performance, et sur la satisfaction ou la sécurité des personnes qui s’en remettent à vous ?

Pour davantage de bonnes pratiques sur le fonctionnement des équipes : « Mieux Réussir Ensemble » Chapitre 4 – Travail en équipe.


[1] Edmondson, A. (1996). Learning from mistakes is easier said than done: Group and organizational influences on the detection and correction of human error. The Journal of Applied Behavioral Science, 32 (1): 5-28
[2] Nembhard, I. M. and Edmondson A.C. (2006). Making it safe: The effects of leader inclusiveness and professional status on psychological safety and improvement efforts in health care teams. Journal of Organizational Behavior, 27 (7): 941-966
[3] Edmondson, A. (2003). Managing the risk of learning: Psychological safety in work teams. In International Handbook of Organizational Teamwork and Cooperative Working, M. West (Ed.). London: Blackwell, pp. 255-276

Qizz : quel est votre style préféré de leadership ?

Notre style de leadership a un impact sur le climat organisationnel, que ce soit au sein d’une équipe, d’un service ou d’une organisation. Ce climat est défini par 6 composantes [1] :

  • Clarté : les équipes ont une compréhension claire de la direction que prend l’organisation, et de leur rôle
  • Standards : il y a un focus continu sur les pistes d’amélioration dans une recherche d’excellence
  • Flexibilité : il y a un focus continu sur les pistes d’amélioration dans une recherche d’excellence
  • Responsabilité : il y a un focus continu sur les pistes d’amélioration dans une recherche d’excellence
  • Récompenses : il y a un focus continu sur les pistes d’amélioration dans une recherche d’excellence
  • Engagement : les collaborateurs témoignent de confiance et de fierté envers l’organisation

À son tour, le climat organisationnel a un impact sur la performance de l’organisation, que ce soit la sécurité dans les entreprises dites « à risque », mais également la performance économique et le bien-être des collaborateurs.

Source : HBR OnePoint, Leadership That Gets Results

Afin de découvrir votre style favori de leadership, répondez le plus honnêtement possible aux 6 questions ci-dessous.

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Laquelle des phrases suivantes auriez-vous tendance à dire naturellement ?

Que faites-vous si vous sentez une baisse de productivité dans votre équipe ?

Lorsque vous déléguez des tâches aux membres de votre équipe ou à des partenaires, vous avez tendance à adopter l’un des comportements suivants :

Ce qu’on admire le plus chez vous est l’une des qualités suivantes :

Parfois, vous vous étonnez…

Lorsque survient une situation difficile au travail, vous…

Quel est votre style de leadership ?
Vous êtes un leader directif
Vous avez un style de leadership très autoritaire qui laisse peu de places aux initiatives des autres. Vous aimez imposer des actions concrètes, expliquer les tenants et les aboutissants de chacune de vos décisions et diriger sans trop penser à long terme. Autrement dit, vous aimez avoir le contrôle sur tout ce qui est fait. Vous exercez une pression sur les autres pour qu’ils suivent vos directives ou qu’ils fassent avancer les projets, lorsqu’il y a un manque ou un ralentissement dans l’exécution des tâches à accomplir.
Vous êtes un leader affirmé
Vous avez un style de leadership très exigeant, mais un peu moins que le leader directif. Vous visez l’excellence et vous en demandez autant des autres. Vous manquez de patience envers ceux qui ne suivent pas votre rythme, ou encore, qui sont moins performants. Autrement dit, vous voulez toujours plus et mieux.
Vous êtes un leader visionnaire
Vous avez un style de leadership très mobilisateur. Vous avez une vue d’ensemble d’une situation très claire, c’est-à-dire que vous excellez à définir le sens de chaque projet que vous entamez. Vous avez une idée forte et vous faites confiance aux membres clés de votre équipe pour trouver comment la mettre en œuvre avec des solutions concrètes. Vous avez une capacité à mobiliser votre équipe pour donner du sens aux changements dans l’entreprise. Votre charisme et votre empathie font en sorte que vous réussissez à montrer aux autres la voie à suivre grâce à une vision des choses claire et inspirante pour tous.
Vous êtes un leader collaboratif
Vous avez un style de leadership qui favorise les relations entre les gens, c’est-à-dire qui incite à la collaboration. Dans votre approche, vous misez sur l’importance de travailler ensemble. Vous comprenez d’ailleurs très bien les besoins de votre équipe ainsi que de vos partenaires, et vous cherchez à les satisfaire. Vous savez apaiser les tensions et soutenir la motivation des membres d’une équipe durant une période plus difficile. Vous avez aussi le talent de faire travailler ensemble des personnes qui ont l’habitude de fonctionner en solo.
Vous êtes un leader affectif
Vous avez un style de leadership qui accorde une grande importance à vos collaborateurs. Les relations humaines occupent une grande partie de votre vie professionnelles. Vous aimez organiser des réunions pour consulter les membres de votre équipe ou vos partenaires avant de prendre une décision. D’ailleurs, votre bonne écoute suscite les idées de tous. C’est grâce à elle que vous réussissez à améliorer la créativité collective et l’innovation. Vous avez la capacité de mobiliser les personnes clés avec qui vous travaillez. Vous savez comment chercher la bonne voie.
Vous êtes un leader coach
Vous avez un style de leadership qui vise l’autonomie de chacun. Vous aimez, en effet, passer du temps avec les gens de votre équipe et les aider à se perfectionner en fonction de leurs objectifs. Qu’il s’agisse de discuter de leurs forces ou de leurs faiblesses, vous avez une bonne écoute et vous êtes bienveillant. Vous cherchez à aider vos collaborateurs à accroître leur productivité, à développer leurs compétences et à améliorer leur autonomie. Vous avez une confiance absolue dans les capacités de chacun à s’améliorer. Vous visez le long terme, tout en tenant compte des objectifs les plus proches.

Deux styles de leadership ont un effet négatif sur le climat organisationnel : le leader directif et le leader affirmé. Les leaders qui entrent dans ces deux catégories n’en sont d’ailleurs pas vraiment ; ils se comportent davantage tel des managers autoritaires et méfiants. Leurs préoccupations principales sont le contrôle, l’efficacité et la performance à tout prix, quel que soit l’impact sur leurs collaborateurs [1].

Les quatre autres styles de leadership sont dits affectif, collaboratif, coach et visionnaire. Pour ces styles de leadership, la corrélation avec le climat organisationnel est positive.

Idéalement, le leader devra maîtriser plusieurs styles de leadership, et endosser celui qui sera approprié à la situation rencontrée. On parlera alors de leadership situationnel, que je vous avais présenté ici.

Bonne nouvelle : le leadership est une compétence, et à ce titre, chaque style de leadership peut faire l’objet d’un apprentissage. Si vous souhaitez développer ou améliorer un style de leadership particulier, voici les différentes étapes recommandées pour cette démarche — que vous retrouverez dans mon livre « Mieux Réussir Ensemble ».

1. Déterminer son moi idéal : maintenant que j’ai pris connaissance des compétences souhaitées, je veux devenir qui ?

2. Déterminer son moi réel : qui suis-je aujourd’hui ? Pour ce faire, je dois avoir recours à des feedbacks de la part de collaborateurs et me livrer à une réflexion honnête sur moi-même. Son but : déterminer mes forces, les compétences que je possède déjà ; et mes faiblesses, mes lacunes. Il existe également des tests permettant de se situer. En ce cas, mieux vaut se tourner vers un coach spécialisé en leadership et/ou en intelligence émotionnelle, afin de bénéficier d’un feedback complet à l’issue du test.

3. Fixer un agenda de progression en s’appuyant sur nos forces pour réduire nos faiblesses. Comment les compétences déjà acquises peuvent-elles m’aider à combler mes lacunes ?

4. Expérimenter de nouvelles attitudes et de nouveaux comportements, nouvelles pensées, nouvelles sensations. Solliciter des feedbacks pour valider le fait que je me maintiens sur la bonne voie.

5. Pratiquer les nouveaux comportements et les pratiquer encore et encore, afin de transférer ces nouvelles compétences vers notre Système 1, tout en continuant à demander du feed-back.

Pour aller plus loin : Daniel Golman et coll., Primal leadership, St Martin’s Press, 2001.


[1] Daniel Goleman, Leadership That Gets Results, HBR OnePoint, 2000.

L’origine du CRM

À la suite d’une série de crashes « impensables » (Eastern Airlines 401 le 29 décembre 1972, Pan Am 1736 et KLM 4805 le 27 mars 1977, ou encore United Airlines 173 le 28 décembre 1978), l’industrie aéronautique civile a sollicité les experts de la NASA afin de déterminer les causes de ces nombreux accidents.

Les quelques rescapés du vol Pan Am 1736 après qu’il fût percuté par le KLM 4805 le 27 mars 1977

Lors d’une conférence organisée en 1979, la NASA fit connaître ses conclusions.

« Ces accidents présentent des points communs, chacun d’entre eux représentant un élément du problème de gestion des ressources. Voici une liste des dysfonctionnements les plus fréquemment observés dans ces accidents :

  • Focalisation sur des aléas techniques mineurs
  • Leadership inadéquat
  • Incapacité à déléguer et à confier des responsabilités
  • Incapacité à établir des priorités
  • Incapacité à surveiller les autres membres de l’équipage
  • Incapacité à exploiter les informations disponibles
  • Incapacité à communiquer les intentions et la stratégie »

Fort de ce constat, les compagnies aériennes développèrent des formations destinées aux équipages, afin d’apporter des solutions aux facteurs humains identifiés. United Airlines en tête, elles ont développé le Cockpit Ressource Management – CRM . Ces formations ont rencontré beaucoup de succès. Étant donné l’ampleur du problème, l’Administration Fédérale de l’Aviation américaine a rendu ces formations obligatoires pour tous les pilotes à compter de 1990. Aujourd’hui, tous nos actes de formations et d’évaluation incluent la composante CRM. Le Cockpit Ressource Management est même devenu Crew Ressource Management afin d’impliquer tout l’équipage, technique et commercial.

Les principales compétences désormais visées sont :

  • Gestion du stress
  • Leadership et travail en équipe
  • Communication
  • Gestion de la charge de travail
  • Conscience de la situation
  • Prise de décision
  • Gestion des automatismes
  • Résilience

Dans d’autres industries – nucléaire, pétrochimique, soins de santé, ferroviaire, etc. -, les problématiques de dysfonctionnement des équipes sont similaires à celles identifiées pour l’aviation civile. Les outils du CRM peuvent y être transposés, moyennant quelques adaptations aux spécificités respectives.

4ème de couverture

Dans les années 70, les crashes d’avions se succèdent tellement que les compagnies font face à une crise majeure. Une étude de la NASA révèle alors l’incapacité des pilotes à collaborer en équipe. Face à ce constat, le Crew Resource Management (CRM) est développé pour apprendre au personnel navigant à mieux fonctionner ensemble. Et les résultats suivent tout de suite, rendant ainsi les formations au CRM obligatoires.

Dans de nombreux secteurs d’activité autres que l’aviation civile (médical, énergie, etc.), les pertes liées à une communication inefficace ou à un leadership inapproprié se chiffrent aussi en vies humaines. Toutefois, quelle que soit l’entreprise et même s’ils sont moins flagrants, de tels dysfonctionnements demeurent tout aussi pernicieux : perte de la performance, dégradation du bien-être, burnout… ; et in fine très coûteux.

De la performance individuelle (gestion du stress, de la fatigue, de l’attention…) à la performance collective (communication, travail en équipe, prise de décision…), cet ouvrage fourmillant d’exemples vous fait découvrir les bonnes pratiques de CRM des pilotes de lignes en les étendant à toutes les professions, donc la vôtre. Vous et votre groupe y gagnerez en capacité à rebondir dans l’adversité et à continuer d’avancer.