S’il est une phrase qui revient partout et tout le temps en cette période particulière, c’est bien celle-ci : « Soyons vigilants ! » Qu’elle sorte de la bouche d’un parent, d’un collègue de travail ou de la première ministre, cette phrase fourre tout aura une signification différente pour chaque individu.
Mais au fait, qu’est-ce que la vigilance ? Il s’agit d’un état permanent de notre être, qui scanne constamment l’environnement afin d’y déceler tout élément nécessitant que nous y portions notre attention. Son nom scientifique est le système de « veille attentionnelle« . Un peu comme un radar qui détecterait les dangers, les sources d’inconfort, etc. afin que nous y apportions une solution. Notre vigilance est une routine assurée par notre Système 1 et ne nécessite aucun effort conscient. Et comme la plupart de nos routines, elle est impactée négativement par notre état physiologiqueet psychologique (fatigue, faim, stress, etc.)
Si je dis à mon fils de 4 ans : « Le chemin est glissant, sois vigilant ! »(ou sa variante « Fais attention ! »), quelle stratégie va-t-il mettre en oeuvre ? Je n’en ai aucune idée. En revanche, je sais ce que je voudrais qu’il fasse. Je voudrais qu’il marche calmement, qu’il se tienne à la rambarde ou qu’il me tienne la main, et qui évite les zones humides par exemple. Alors, plutôt que de lui parler « creux », je serai plus efficace en étant spécifique dans mes demandes et mes recommandations.
Et dans notre environnement professionnel ? « Nous allons traverser une zone orageuse, soyons vigilants ! » « Le patient risque de décompenser, soyons vigilants ! » En bref, « La situation se complique, soyons vigilants ! » NOOON ! Soyons spécifiques. Comment allons-nous gérer la situation ? Qui fera quoi, quand et comment ?
Alors, lorsque quelqu’un nous recommande la vigilance, posons-nous la question : « Quel est son plan et qu’attend-elle de moi ? » Ou encore mieux, posons-lui la question.
Il est un sujet qui revient régulièrement dans plusieurs industries : celle de la fatigue et de son impact sur la performance des individus. Dans le domaine de l’aviation civile, les règles sont très strictes. La durée des périodes d’activité est limitée, et la période de repos qui suit est fonction de la pénibilité de l’activité précédente. Et un pilote qui transgresse ces règles risque un retrait de licence.
Pourquoi ces règles intransigeantes ? Sont-elles fondées ? Notre performance est-elle réellement affectée par la fatigue ?
La plupart d’entre nous ont besoin de huit heures de sommeil afin de récupérer des facultés cognitives optimales le lendemain matin. Au fur et à mesure que notre période d’éveil s’écoule, nos capacités cognitives diminuent et le poids du sommeil augmente. Une étude réalisée par une équipe de psychologues australiens [1] a montré que nos performances cognitives et motrices après 17 heures de veille sont celles de quelqu’un qui aurait un taux d’alcool sanguin de 0,05 %. Après 24 heures de veille, le taux d’alcool sanguin équivalent est de 0,1 %. Pour rappel, dans la plupart des pays européens, la limite légale autorisée du taux d’alcoolémie pour conduire un véhicule est de 0,05 %.
17 heures de veille / 0,05 % • Comportement excessif • Perte possible de contrôle des petits muscles (exemple : difficulté à fixer le regard) • Affaiblissement du jugement • Vigilance réduite • Levée des inhibitions
24 heures de veille / 0,1 % • Détérioration marquée du temps de réaction et de contrôle • Empâtement de la parole • Manque de coordination • Diminution de la capacité de réfléchir
Une autre étude [2] menée par une équipe du service de neuropsychiatrie de l’U.S. Army en 2003, a réparti 66 sujets en 4 groupes, autorisés à dormir respectivement 9, 7, 5 et 3 heures par période de 24 heures pendant 7 jours. Chaque jour, les participants étaient soumis à des tests permettant de mesurer leurs performances cognitives, en termes de vitesse de réflexion et de nombre d’erreurs commises.
Les résultats ont clairement montré que seul le groupe autorisé à dormir 9 heures par nuit a réussi à maintenir un niveau de performance constant. Dans les autres groupes, plus la durée du sommeil était restreinte, plus les performances se dégradaient rapidement. Cette étude a également montré qu’après un épisode de privation de sommeil, la récupération d’un niveau de performance normal nécessite plusieurs nuits complètes de sommeil.
Au vu des résultats mentionnés ci-dessus, dans votre environnement professionnel, les périodes de travail sont-elles excessivement longues ? Pour quelle raison ? Culturelle ? Pression externe ? Pression interne ? Une chose est sûre : à force d’appeler quelqu’un « Superman », il risque de finir par croire qu’il est capable de voler.
[1] A M Williamson & Anne-Marie Feyer, Moderate sleep deprivation produces impairements in cognitive and motor performance equivalent to legally prescribed levels of alcohol intoxication, Occup Environn Med 57, pp. 649-655, 2000. [2] Belenky et al., Patterns of performance degradation and restoration during sleep restriction and subsequent recovery: A sleep dose-response study, Journal of Sleep Research 12(1), pp. 1-12, 2003.
Daniel Kahneman a consacré une partie de son travail à montrer que nous sommes de piètres statisticiens, alors que nous avons tendance à nous fier à notre intuition dans ce domaine. À sa grande surprise, ce constat concerne également un nombre important de professionnels des probabilités.
Rien de tel qu’un petit exemple, tiré de mon livre Mieux Réussir Ensemble, pour vous en convaincre.
Vous réalisez chez votre médecin un test de dépistage d’un type de cancer qui touche 0,1 % de la population. Quelques semaines plus tard, le verdict tombe : positif. Vous demandez alors à votre médecin si le test est fiable. Celui-ci vous explique que : « si vous avez le cancer, le test sera positif dans 90 % des cas. Et si vous ne l’avez pas, il sera négatif dans 97 % des cas ». Quelle est, selon vous, la probabilité réelle d’avoir contracté cette maladie ? 90 % ? Plus ? Moins ?
Il s’agit de probabilités conditionnelles, aussi appelée probabilités bayésiennes. Développons le raisonnement et imaginons que 10 000 personnes effectuent le test de dépistage.
Puisque ce type de cancer touche 0,1 % de la population, 10 personnes de cet échantillon seront effectivement touchées.
Puisque le test est fiable à 90 %, seuls 9 sur ces 10 malades obtiendront un résultat positif.
Quid des 9 990 personnes restantes, celles dont on sait qu’elles sont saines ? Parmi elles, le test de dépistage sera négatif dans 97 % des cas.
Il y aura donc grosso modo 9 690 tests négatifs et 300 tests positifs. Ce sont les faux positifs.
En conclusion, sur l’échantillon de 10 000 personnes, 309 auront été testées positives pour seulement 9 « vrais positifs » (réellement malades).
À combien tombe votre probabilité d’être réellement atteint du cancer après avoir été testé positif ? 9/309. Soit… 2,9 % ! Étonnant, n’est-ce pas ?
La raison principale de nos erreurs probabilistes réside dans le fait que nous avons tendance à négliger le « taux de base ». Le taux de base représente la distribution des éléments étudiés dans le contexte considéré. Dans l’exemple ci-dessus, le taux de base est : 0,1% de la population est touchée par ce type de cancer. C’est un élément décisif dans le calcul qui nous occupait.
Une question revient sans cesse lorsque surgit l’idée de développer une culture Facteurs Humains et Organisationnels (FOH) au sein d’une organisation : « Vais-je en avoir pour mon argent ? » Cette question est parfaitement légitime, alors essayons d’y apporter quelques éléments de réponse.
D’abord, rappelons en quoi consistent les FOH. Je vous ferai grâce d’une définition rébarbative, pour reprendre les propos d’Ivan Boissière (Directeur général de l’Icsi) : « Les FOH consistent à favoriser des comportements plus sûrs à tous les niveaux de l’organisation , et se positionner au coeur d’une démarche plus large de performance globale. »
Cette notion englobe d’une part la gestion des Facteurs Humains, c’est-à-dire les pratiques recommandées permettant d’améliorer la performance tant individuelle que collective – le travail en équipe ; et d’autre part la prise en compte des conditions de travail mises en place par l’organisation, et ayant un impact sur cette performance. Par exemple, si l’on s’intéresse à des éléments ayant un impact négatif, il s’agit de pression temporelle, de moyens matériels inadaptés, de personnel insuffisant, de consignes contradictoires (entre un responsable et le référentiel), de manque de formation, d’un management toxique, etc.
Le département de la défense américain a développé le modèle HFACS, classifiant les différents domaines d’attention des FOH. Ce modèle peut être adapté à tout type d’organisation. Une particularité est cependant qu’il se focalise, par la façon dont il est rédigé, sur le manque de bonnes pratiques. Vous en trouverez la description complète ici.
Comme tout changement de paradigme au sein d’un collectif, la mise en place d’une démarche FOH nécessite un investissement en temps, en énergie, et représente un coût financier. Notamment, cette transformation organisationnelle nécessite une transformation managériale orientée leadership. Alors, cet investissement en vaut-il la peine ?
Afin de répondre à cette question, je citerai les quelques éléments que j’ai réussi à rassembler, dont très peu sont chiffrés.
1. Je commencerai par vous renvoyer à cet article concernant les effets bénéfiques du CRM (Crew Resource Management) de l’aviation civile depuis 40 ans. Bilan : une diminution drastique du nombre d’accidents.
2. Dans l’introduction du « Human Factors Training Manual » de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale, on peut lire ceci : « Its (Human Factors) objectives can be seen as effectiveness of the system, which includes safety and efficiency, and the well-being of the individual. »
3. Je vous recommande également cet article, contenant des données chiffrées relatives au déploiement de formations CRM auprès de 3000 personnes dans un groupement d’hôpitaux dans l’Ohio (USA). Bilan : un retour sur investissement situé entre 300% et 800%.
4. J’inclus également à cette liste le cas d’école de FAVI, une fonderie située dans la Somme (FR) dont Jean-Fançois Zobrist [1] a pris la tête en 1983. Il y a mis en place ce qui a été qualifié de « Lean Management Social ». En bref, il a développé la responsabilisation, la confiance et la motivation de son personnel. Par son affection pour un lean management humaniste, Zobrist prenait en compte les FOH sans les nommer. Bilan : une amélioration de l’ordre de 30% de la productivité, avec investissement marginal. [2]
5. Enfin, le psychologue, ergonome et expert en Facteurs Humains Steven Shorrock, éditeur en chef de la revue Hindsight d’Eurocontrol, s’exprime en ces termes : « The connection between wellbeing and safety, and organisational performance more generally, is undeniable. »
J’espère que ces quelques chiffres et citations vont auront convaincus de l’impact positif des FOH sur tout type d’organisation. Il y en a certainement d’autres, et je vous remercie de me les communiquer si vous en connaissez. Dans tous les cas, opter pour ce changement de culture, c’est investir dans l’avenir.
[1] Je vous suggère de visionner une conférence de Jean-François Zobrist pour prendre pleinement connaissance de sa philosophie : https://www.youtube.com/watch?v=2jjEN5hdFwc [2] Liberté & Cie: Quand la liberté des salariés fait le bonheur des entreprises; Brian Carney & Isaac Getz ; 2012
Nous approchons d’un début de déconfinement. Pour la majorité d’entre nous qui avons été forcés à rester cloîtrés depuis plus d’un mois et demi, notre occupation professionnelle sera l’une des première occasions de renouer avec une « réalité » tangible.
Autour de nous, certains sont zen et traversent cette situation inédite avec recul. Mais d’autres personnes sont inquiètes, apeurées, méfiantes, perdues ou encore endeuillées. Ces personnes auront besoin de s’exprimer et d’être écoutées. Elles ne pourront pas retrouver leur potentiel tant que cette étape n’aura pas été franchie, parce que leur cerveau sera bloqué en mode limbique. Il reviendra donc à nos entreprises de créer l’espace nécessaire à l’expression de ces émotions, étape incontournable comme préalable à la reprise progressive du travail effectif. Progressive parce que ce travail d’accompagnement risque d’être long et itératif. Et ce travail ne s’improvise pas, cela se prépare. Les discussions devront être cadrées par des collègues compétents. Les outils de débriefing constituent une bonne base de préparation.
Il reviendra à nos entreprises de créer l’espace nécessaire à l’expression de ces émotions
Ensuite, comment procéder pour redonner à chacun l’envie de faire du mieux qu’il peut ? Comment faire en sorte que nos collaborateurs soient motivés ?
Ici encore, je vous propose de faire différemment – pour la plupart des entreprises. Et si l’on se disait que c’était l’occasion de redémarrer sur d’autres bases, plus humaines, plus saines, procurant davantage de sens. De changer de paradigme, mais cette fois, pour de vrai. Fini la poudre aux yeux, la machine expresso, la salle de fitness et les séminaires trop ludiques. Cette fois, il faudra y mettre les trippes, à commencer par l’équipe dirigeante. Il faudra que celle-ci apprenne à prendre soin de ses forces vives comme de son atout le plus précieux. Il faudra que nos dirigeants, tout en continuant à gérer nos entreprises – les coûts, la qualité et le timing -, développent de réelles compétences en leadership pour intégrer l’humain dans l’équation.
Il faudra que nos dirigeants, tout en continuant à gérer nos entreprises – les coûts, la qualité et le timing -, développent de réelles compétences en leadership pour intégrer l’humain dans l’équation.
Concrètement, que mettre en place ?
Les quelques pratiques que je propose ci-dessous sont extraites de mon livre « Mieux Réussir Ensemble ». Je ne les détaillerai donc pas, je vous encourage à vous y référer.
Définir et publier une vision et des valeurs partagées dans toute l’entreprise, de façon à ce qu’elles soient un guide dans toutes les décisions à prendre. Si certains ne s’y reconnaissent pas, écouter leurs propos. Et si leurs idées ne sont pas compatibles avec la vision de l’entreprise, envisager de s’en séparer, car ils seront des freins probables.
Définir et expliquer le ou les objectifs communs de l’entreprise et donner la parole ; accueillir les critiques, les remarques et les suggestions.
Développer l’intelligence émotionnelle de tous les collaborateurs, à commencer par l’équipe dirigeante et les managers.
Développer les compétences en gestion du stress, en communication et en gestion de la charge de travail de tous les collaborateurs.
Avoir le courage de reconnaître ses erreurs et ses faiblesses. Arrêter de prétendre. Encourager tout un chacun à dire « Je me suis trompé« , « Je ne sais pas » ou « J’ai besoin d’aide » quand c’est le cas.
Responsabiliser toutes les personnes par rapport à leur travail. Eviter le micro-management et leur faire confiance. Les aider à développer leurs compétences lorsque nécessaire.
Mettre en place une « culture juste », impliquant le droit à l’erreur. Cela encourage à la créativité et à développer des solutions innovantes.
Instaurer une culture de feedback à petite et grande échelle, afin de ne pas reproduire les erreurs et de développer une culture d’apprentissage.
Fixer les objectifs en accord avec le ou les intéressés, et plus de manière arbitraire. Viser une progression continue plutôt qu’une deadline, arbitraire elle aussi.
Cerise sur le gâteau, l’amélioration du bien-être de vos collaborateurs, qui résultera de la mise en oeuvre de ces bonnes pratiques, aura un effet bénéfique sur la performance technique et économique de votre organisation.
Vous avez une occasion inédite de sortir de votre zone de confort, pour votre bien et celui de vos collaborateurs. Qu’en ferez-vous ?
Cette période particulière pendant laquelle on nous met en garde contre la croissance exponentielle du COVID-19 vient confirmer un biais de l’être humain : nous avons tendance à raisonner linéairement, et éprouvons beaucoup de difficultés à nous représenter une fonction exponentielle.
Je me souviens le jour où mon père m’a fait prendre conscience de ce biais ; il m’a raconté cette histoire.
Elle se passe – c’est un hasard – dans la Chine des empereurs Ming. Un jour, un chevalier va trouver l’empereur pour lui demander la main d’une de ses filles. L’empereur, qui souhaite au préalable évaluer à la fois le courage et la sagesse du prétendant, lui répond ceci : « C’est d’accord, à une condition. Je vais te donner le choix de deux épreuves. Si tu réussis celle que tu auras choisie, je te donnerai la main de ma fille. »
Le chevalier écoute attentivement l’empereur : » Soit, tu graviras seul la plus haute montage de l’empire et y planteras un drapeau en mon honneur ; ou alors, tu prendras un échiquier sur lequel tu placeras un grain de riz sur la première case, deux sur la suivante, quatre sur la troisième, et ainsi de suite en doublant à chaque fois le nombre de grains de riz d’une case à la suivante, jusqu’à la dernière.«
Le chevalier n’hésite pas une seconde. Il n’a aucune envie de partir en voyage pendant des mois voire des années sans sa belle. Il choisit l’épreuve de l’échiquier qui est clairement beaucoup plus facile.
Auriez-vous raisonné de la même manière? Dans ce cas, vous auriez été, tout comme le chevalier, victime du biais de croissance exponentielle. En effet, rien de pour la 64ème case, il vous faudra 1+2^63 grains de riz, soit 9,2234e18 grains de riz, soit environ 369 milliards de tonnes de riz ! Cela nécessitera que le chevalier vide tous les greniers à riz de l’empire pendant plusieurs vies. Il n’est pas prêt de revoir sa dulcinée…
Il est des situations dans lesquelles la solution nous vient automatiquement. Notre sixième sens nous guide alors dans nos décisions. Mais le résultat n’est pas toujours à la hauteur de nos attentes. Qu’est-ce qui fait que notre intuition est plus ou moins performante ?
Afin de déterminer dans quelles situations nous pouvons nous fier à notre intuition, intéressons-nous aux travaux de deux psychologues, Gary Klein et Daniel Kahneman. Le premier nous dit que « Des experts en situation dynamique prennent des décisions intuitives efficaces », alors que le second nous dit : « Méfiez-vous du fonctionnement automatique de votre cerveau, notamment en matière de prise de décision, car il est entaché de nombreux biais ! »
Dès lors, qui croire ? Klein et son modèle du Recognition-Primed Decision (RPD) [1], ou Kahneman et sa théorie des Biais et Heuristique [2] ? Bonne nouvelle : ces deux spécialistes de la prise de décision ont accordé leurs violons dans une publication commune d’octobre 2009 intitulée « Les conditions d’une intuition experte ; Comment nous n’avons pas réussi à rester en désaccord. »
Ils listent les trois conditions nécessaires nous permettant de nous appuyer sur notre intuition : – un environnement suffisamment régulier pour être prévisible ; – la possibilité d’apprendre de ces régularités grâce à une pratique durable ; – un feedback rapide et clair suite à l’implémentation de la décision.
Ils font donc référence à des situations rencontrées souvent, et qui nous ont fourni un retour clair et rapide quant à nos succès et nos échecs, de manière à nous permettre de nous adapter pour les occurrence futures.
Si ces conditions ne sont pas réunies, notre intuition pourra nous jouer des tours. Il sera donc préférable de nous tourner vers une méthode analytique de prise de décision si le temps le permet. En aviation, nous utilisons l’acronyme T-FORDEC :
Temps disponible
De combien de temps disposons-nous ?
Faits
Quels sont les faits bruts, libres d’interprétation ?
Options
Quelles sont les options qui s’offrent à nous ?
Risques/opportunités
Quels sont les avantages et les inconvénients de chacune des options ?
Décision
Proposition de l’option à retenir par la personne la moins senior ; validation ou pas par l’équipe.
Exécution
Attribution des rôles et exécution de la décision.
Contrôle
Vérification continue du résultat attendu.
En cette période plus que particulière, rappelons-nous que notre expertise peut être mise à mal, et apprenons à nous méfier de nos intuitions.
[1] Gary A. Klein, A Recognition-Primed Decision (RPD) Model of Rapid Decision Making, Decision Making in Action, pp. 138-147, 1993. [2] Amos Tversky, Paul Slovic & Daniel Kahneman, Judgment under uncertainty : Heuristics and biases, Cambridge University Press, 1982.
Au 18e siècle, siècle des lumières, les traditions et les croyances populaires ont petit à petit laissé la place à la connaissance et à la science. Dans ce contexte, des hôpitaux de charité ont vu le jour, dans lesquels venaient notamment accoucher des femmes issues de milieux défavorisés.
Vers la fin du 18e siècle, une maladie appelée fièvre puerpérale a commencé à sévir en Europe et aux États-Unis. Rapidement, elle a pris l’allure d’une épidémie. De nombreuses femmes mouraient dans les jours suivant leur accouchement, sans raison apparente. Dans certains hôpitaux, jusqu’à 70 % des femmes décédaient en post-partum.
Les docteurs en médecine voulaient comprendre et vaincre le phénomène. Entre deux accouchements, ils pratiquaient des autopsies sur les cadavres de femmes décédées de ce mal mystérieux.
En 1795, Alexander Gordon, médecin écossais, avança des preuves sérieuses du caractère contagieux de la maladie. Il suggéra comme solution que les médecins et les sages-femmes se lavent les mains et stérilisent leurs instruments avant chaque accouchement.
Hélas pour lui, Alexander Gordon vivait dans la région rurale d’Aberdeen. Il fut la risée de ses collègues de la ville ; la solution ne pouvait pas être aussi simple : « Qu’il s’occupe de soigner ses paysans et qu’il nous laisse pratiquer la Science ».[1]
D’autres lanceurs d’alerte se succédèrent dans différents pays, mais il fallut attendre un demi-siècle pour que, suite aux travaux du médecin hongrois Ignace Semmelweis, le lavage des mains et la stérilisation des instruments soient imposés avant chaque accouchement. L’épidémie cessa sur le champ… après des milliers de morts inutiles.
[1] Irvine Loudon, The tragedy of childbed fever, Oxford Scholarship Online, 2011.
Il est évident que notre mental a un effet sur notre physiologie et notre posture. Nous sourions et gardons la tête haute lorsque nous sommes heureux et positifs ; nous faisons la moue et nos épaulent tombent lorsque nous sommes de mauvaise humeur ou négatifs.
L’inverse est vrai également ! Notre posture a un impact sur notre mental ! C’est ce qu’a montré la psychologue Amy Cuddy, qui a publié en 2010 une étude consacrée aux « power poses« , c’est-à-dire les postures évoquant la puissance. [1]
Après 2 minutes passées dans l’une des poses « fortes » présentées ci-dessus, le niveau de testostérone des participants avait significativement augmenté, parallèlement à une diminution de leur taux de cortisol (l’une des hormones du stress). Cela représente la signature biochimique d’une augmentation de leur niveau de confiance.
Quant aux participants ayant reçu comme consigne d’adopter une pose « faible » pendant 2 minutes, leur niveau de testostérone a diminué significativement, et ils ont libéré davantage de cortisol.
À quoi cela peut-il bien servir ? Afin de répondre à cette question, Amy et son équipe ont fait passer une interview d’embauche qualifiée de « particulièrement stressante » à des personnes ayant préalablement maintenu soit une pose faible, soit un pose forte. Ensuite, des observateurs indépendants ont déterminé s’ils embaucheraient le candidat, en jugeant l’interaction avec l’interviewer.
Résultat : ceux qui avaient tenu la « power pose » pendant 2 minutes avaient beaucoup plus de chance de trouver un emploi. Alors, avant une intervention en public, une présentation importante ou une interview d’embauche, si nous prenions 2 minutes afin de nous mettre dans de bonnes dispositions ?
De plus, les émotions, et les humeurs qui en découlent, sont contagieuses. Alors essayons de prendre régulièrement conscience de l’état psychologique dans lequel nous sommes, et adaptons si nécessaire notre posture afin de nous sentir mieux et d’influencer positivement notre entourage.
– Bonjour voisin. Dites-moi, cet arbre prend de plus en plus d’ampleur. – Il est magnifique, n’est-ce pas ? – C’est que, de ce côté de notre maison, les gouttières ont tendance à se boucher. Nous y retrouvons de nombreux branchages et feuilles mortes. – Oui, je connais… Une maison nécessite un entretient permanent. – Écoutez, je trouve qu’il surplombe fort notre maison. Et puis il est vieux. J’ai peur qu’il ne provoque des dégâts en cas de tempête. Avez-vous envisagé de l’abattre ? – L’abattre ? C’est mon grand père qui l’a planté il y a soixante ans ! Il est en pleine santé, il est solide. Il ne bougera pas ! – Je ne vous laisserai pas dicter votre loi. Je vais faire intervenir les services de la commune. – Vous avez raison, comme ça je pourrai leur parler de la magnifique piscine que vous avez creusée sans autorisation… – Vous avez de la chance qu’une clôture nous sépare, sans quoi je vous ferais voir ma manière de penser ! – Et bien venez, je vous attends, mon portail est ouvert ! – C***ard ! – C’est ça, grand courageux va !
Toute ressemblance avec une situation que vous auriez vécue n’est absolument pas fortuite. En effet, il est fréquent que ce genre de conversation dégénère, selon un processus systématique.
Les protagonistes échangent arguments et contre-arguments, chacun campant sur ses propres idées sans prêter la moindre attention à celles de l’autre. Or, l’un de nos besoins fondamentaux étant celui d’être compris – reconnus pour ce que nous sommes. Ce va-et-vient ne peut que tourner au vinaigre.
À court d’arguments, l’un de protagonistes profère une menace à l’encontre de son rival. Une contre-menace s’en suit généralement.
Les menaces ne faisant pas plier l’adversaire, elles font place à l’attaque verbale ou physique.
Comment faire pour ne pas se laisser emporter dans ce processus ? Il nous faut l’enrayer dès que nous prenons conscience que la bataille d’arguments s’engage.
Comme nous sommes incapable de réfléchir lorsque submergés par nos hormones de stress, il est nécessaire de commencer par gérer nos émotions. Même si je me sens agressé, je suis alors capable de dépersonnaliser le comportement de l’autre. J’éviter de me demander « Qu’est ce qu’il/elle ME veut ? », mais bien « Qu’est ce qu’il/elle veut ? ».
Je fais preuve d’empathie ; je prends en compte les émotions de l’autre. « J’ai le sentiment que tu es irrité/en colère/triste… » Cela lui permet d’être validé dans ce qu’il est, et éventuellement de vider son sac. Il est important d’être prêt à cette éventualité et de continuer à gérer ses propres émotions.
Une fois que l’autre a pu exprimer pleinement son émotion, nous pouvons enfin impliquer la raison. Nous devons essayer de comprendre son point de vue, en lui posant des questions et en témoignant de notre compréhension en reformulant ses réponses : « Si je comprend bien, vous êtes irrité par le fait que vos gouttières soient régulièrement bouchées, inquiet par le fait que des branches pourraient endommager votre toiture en cas de tempête, et vous pensez qu’abattre cet arbre solutionnerait cette situation ? » Nous ne sommes pas nécessairement d’accord avec le point de vue de l’autre, mais nous lui témoignons de notre compréhension. Il se sent alors entendu et apaisé.
Nous pouvons alors juxtaposer notre point de vue, en commençant notre phrase par « En même temps… », « De mon côté… », « De mon point de vue… », et en évitant à tout prix le MAIS. « De mon côté, je souhaite garder cet arbre. C’est sentimental, et puis il nous procure un ombrage bienvenu pendant les chaleurs de l’été. Toutefois, je suis disposé à me renseigner sur la possibilité de tailler certaines branches qui surplombent votre maison. » L’objectif est de trouver une solution qui satisfasse les deux parties.
Pour aller plus loin dans l’art de dénouer les conflits, je vous recommande l’excellent conte de Pierre Pellissier : Sept graines de lumière dans le coeur des guerriers.
Gérer le consentement aux cookies
Nous utilisons des cookies pour optimiser notre site web et notre service.
Fonctionnel
Toujours activé
Le stockage ou l’accès technique est strictement nécessaire dans la finalité d’intérêt légitime de permettre l’utilisation d’un service spécifique explicitement demandé par l’abonné ou l’utilisateur, ou dans le seul but d’effectuer la transmission d’une communication sur un réseau de communications électroniques.
Préférences
L’accès ou le stockage technique est nécessaire dans la finalité d’intérêt légitime de stocker des préférences qui ne sont pas demandées par l’abonné ou l’internaute.
Statistiques
Le stockage ou l’accès technique qui est utilisé exclusivement à des fins statistiques.Le stockage ou l’accès technique qui est utilisé exclusivement dans des finalités statistiques anonymes. En l’absence d’une assignation à comparaître, d’une conformité volontaire de la part de votre fournisseur d’accès à internet ou d’enregistrements supplémentaires provenant d’une tierce partie, les informations stockées ou extraites à cette seule fin ne peuvent généralement pas être utilisées pour vous identifier.
Marketing
Le stockage ou l’accès technique est nécessaire pour créer des profils d’utilisateurs afin d’envoyer des publicités, ou pour suivre l’utilisateur sur un site web ou sur plusieurs sites web ayant des finalités marketing similaires.