Il est des situations dans lesquelles la solution nous vient automatiquement. Notre sixième sens nous guide alors dans nos décisions. Mais le résultat n’est pas toujours à la hauteur de nos attentes. Qu’est-ce qui fait que notre intuition est plus ou moins performante ?
Afin de déterminer dans quelles situations nous pouvons nous fier à notre intuition, intéressons-nous aux travaux de deux psychologues, Gary Klein et Daniel Kahneman. Le premier nous dit que « Des experts en situation dynamique prennent des décisions intuitives efficaces », alors que le second nous dit : « Méfiez-vous du fonctionnement automatique de votre cerveau, notamment en matière de prise de décision, car il est entaché de nombreux biais ! »
Dès lors, qui croire ? Klein et son modèle du Recognition-Primed Decision (RPD) [1], ou Kahneman et sa théorie des Biais et Heuristique [2] ? Bonne nouvelle : ces deux spécialistes de la prise de décision ont accordé leurs violons dans une publication commune d’octobre 2009 intitulée « Les conditions d’une intuition experte ; Comment nous n’avons pas réussi à rester en désaccord. »
Ils listent les trois conditions nécessaires nous permettant de nous appuyer sur notre intuition :
– un environnement suffisamment régulier pour être prévisible ;
– la possibilité d’apprendre de ces régularités grâce à une pratique durable ;
– un feedback rapide et clair suite à l’implémentation de la décision.
Ils font donc référence à des situations rencontrées souvent, et qui nous ont fourni un retour clair et rapide quant à nos succès et nos échecs, de manière à nous permettre de nous adapter pour les occurrence futures.
Si ces conditions ne sont pas réunies, notre intuition pourra nous jouer des tours. Il sera donc préférable de nous tourner vers une méthode analytique de prise de décision si le temps le permet. En aviation, nous utilisons l’acronyme T-FORDEC :
Temps disponible | De combien de temps disposons-nous ? |
Faits | Quels sont les faits bruts, libres d’interprétation ? |
Options | Quelles sont les options qui s’offrent à nous ? |
Risques/opportunités | Quels sont les avantages et les inconvénients de chacune des options ? |
Décision | Proposition de l’option à retenir par la personne la moins senior ; validation ou pas par l’équipe. |
Exécution | Attribution des rôles et exécution de la décision. |
Contrôle | Vérification continue du résultat attendu. |
En cette période plus que particulière, rappelons-nous que notre expertise peut être mise à mal, et apprenons à nous méfier de nos intuitions.
[1] Gary A. Klein, A Recognition-Primed Decision (RPD) Model of Rapid Decision Making, Decision Making in Action, pp. 138-147, 1993.
[2] Amos Tversky, Paul Slovic & Daniel Kahneman, Judgment under uncertainty : Heuristics and biases, Cambridge University Press, 1982.
Merci Guillaume pour cette mise au point bien utile.
Quid de la prise de décision en situation critique (pour ne pas dire de crise), face à un événement imprévu et inédit, lorsqu’il faut prendre une décision en quelques secondes, qui est incompatible avec un TFORDEC ?
Je pense par exemple à l’amerrissage sur l’Hudson.
Bonjour Philippe,
Merci pour ta question.
Considérant que Sully était pilote de planeur chevronné, et pilote de ligne expérimenté, peut-on considérer que son intuition lui a permis de rapidement éliminer les « mauvaises » solutions ?
Bonne journée